Doit-on toujours craindre le phylloxéra ? Oui, sûrement. Néanmoins, il est sûrement temps d'avancer.
Le vin a traversé de nombreuses crises politiques, religieuses, économiques et sanitaires depuis qu’une amphore oubliée dans un coin lui permit de se révéler (cf. La Vie de Château n°13). Mais c’est un minuscule démon venu des Amériques qui décima le vignoble français. Le Phylloxera vastatrix, du grec sèche-feuille dévastateur, est une espèce de l’ordre des pucerons ; le phylloxéra gallicole se développe sur les feuilles et entraine leur dessèchement et le phylloxéra radicicole se développe sur les racines et entraîne leur pourrissement. Pour certains, il se présente successivement sous forme aptère puis ailée, ce qui lui permet de créer de nouveaux foyers d’infection au gré du vent.
En 1865, il débarque sur nos côtes, accroché à quelques pieds de vignes importés par des collectionneurs. Après l’oïdium en 1830, puis le mildiou, deuxmaladies cryptogamiques qui causèrent des dégâts considérables, nousn’avions encore rien vu ! D’abord le Midi provençal, puis le Bordelais, la Charente, le Minervois, le Beaujolais, la Bourgogne, le Val de Loire, la Champagne…toutes nos régions viticoles sont touchées et en 30 ans, c’est 800 000 hectares qui disparaissent sous les piqûres de notre ennemi (près du tiers de la surface viticole française de 1875).La science est impuissante, alors on multiplie les expériences : submersion hivernale des vignes pour noyer la bête, irrigation des parcelles au vin blanc, épandage de cendres, utilisation de chaux vive, de sels de fer, enterrement d’un crapaud vivant sous le cep… C’est Jules Planchon, directeur de l’Ecole Supérieure de Pharmacie de Montpellier et découvreur du phylloxéra, qui, en 1873, importe des plants américains résistants à l’envahisseur pour y greffer notre Vitis vinifera européen ; il installe dans nos sols ces « mariages forcés » en remplacement de nos pieds francs.Les hybrides obtenus sont non seulement insensibles au phylloxéra, mais ils supportent mieux le froid et résistent mieux à d’autres parasites comme le mildiou. Et puis les rendements sont meilleurs. La reconstitution du vignoble se fait alors petit à petit grâce à des encouragements fiscaux et à la formation des coopératives. Le porte-greffe est ainsi devenu un élément essentiel de la réussite d’une plantation. Choisi en bonne adéquation avec le type de sol, il confère au greffon vigueur, précocité et fait le lien entre le sol et le greffon.
Mais n’est-ce pas le problème ? Le pied du cépage n’est plus en prise directe avec la terre et encore moins sa grappe et son fruit. Cet intermédiaire ne brouillerait-il pas le message du terroir ? Ce filtre moderne puise les apports qui lui sont nécessaires en fonction de sa propre physiologie et non de celle du greffon. Sans parler de la blessure infligée aux plants pour « souder » ces deux corps qui peut être traumatisante ; une mauvaise vascularisation peut créer une dégradation tissulaire voire une zone de nécroses. Alors on se prend à rêver, pour retrouver le goût du terroir, à des vins authentiques, intègres et francs… de pied.
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